Je relaie ici un article paru dans le Monde le 24 mars 2010. Il est écrit par Danielle Mitterrand et William Bourdon. Comme pour l'énergie (les éoliennes notamment), les sociétés gérant l'eau veulent nous faire croire que le profit est soluble dans l'écologie...
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Aujourd'hui, les médias sont envahis de publicités émanant des
multinationales de l'énergie et de l'eau pour nous convaincre qu'elles
contribuent à notre qualité de vie et qu'elles sont devenues indispensables
pour rendre notre monde meilleur.
Que ce soit pour lutter pour la survie des
ours blancs, pour soi-disant éviter les pillages de ressources de la planète,
pour améliorer le niveau de vie de tous, les mieux placées, nous disent ces
messages, sont les grandes entreprises multinationales.
Elles veulent bien,
du bout des lèvres, que s'inaugure un nouveau droit international, protecteur
des biens communs de l'humanité. Elles ne s'opposent pas, le cas échéant, à ce
que la loi consacre de nouvelles normes, pour peu que celles-ci n'entravent pas
leur croissance et leurs profits. De ce point de vue, les projets du
gouvernement qui limitent l'accès au juge sont agréables à leurs oreilles.
Parmi ces nouveaux
"bienfaiteurs de l'humanité", les opérateurs d'eau sont évidemment à
l'avant-garde. Ils ont bien compris que l'eau, source indispensable et
éternelle de vie, les rend légitimes pour nous convaincre de ce qu'ils seraient
maintenant les meilleurs promoteurs de la protection de l'environnement. Ils
vont jusqu'à caporaliser la seule instance de gouvernance de l'eau (le Conseil
mondial de l'eau est dirigé par un haut cadre de Veolia) et prétendent même
contribuer à définir cette équation juridique : les biens communs de
l'humanité.
Faut-il rappeler
que, lors du dernier forum de l'eau à Istanbul, le Conseil mondial de l'eau a
refusé de reconnaître à l'eau le statut de droit, mais seulement de celui de
besoin. Une visite sur les sites Internet de Veolia Eau et de Suez peut donner
l'illusion qu'ils sont plus royalistes que les écologistes. Cela s'appelle du green
washing. Il s'agit de mettre en avant les actions de développement durable,
bien utiles pour maquiller la réalité des contrats et de leurs conséquences.
Or cette
instrumentalisation très habile du message écologique ne peut que laisser
perplexe. Certes les grands opérateurs d'eau, dans les pays du Sud, usent et
abusent de messages compassionnels à l'égard des populations des bidonvilles
concernés. Pour autant, la réalité y est parfois tragique. Prenons l'exemple de
la population de certains quartiers pauvres de La Paz (Bolivie) qui a voulu
dénoncer, y compris au prix d'émeutes et dans le sang, les conditions dans
lesquelles un système de distribution d'eau potable juste et universel ne leur
était pas garanti. On peut également s'émouvoir de la corruption et de ses
conséquences qui affectent les métiers de l'eau.
Flûte de Pan
A Bruxelles, Veolia
a construit à l'orée des années 2000 une gigantesque station d'épuration pour
le million d'habitants de la capitale belge. Une affaire enflamme maintenant la
Belgique tant il semble qu'on y fait fi des principes de précaution de
l'environnement. Récemment, différentes ONG, dont l'association Sherpa et la
Fondation France Libertés, ont interpellé M. Gérard Mestrallet, président de
GDF-Suez, sur les risques majeurs associés à la construction du barrage
hydroélectrique du Jirau sur le rio Madeira en Amazonie brésilienne. Les
populations y sont exaspérées face à ce qu'elles dénoncent comme une
déforestation au mépris de la loi locale.
La logique du
"pas vu, pas pris" permet tous les doubles langages. Cette nouvelle
flûte de Pan que nous jouent Veolia et Suez Environnement doit susciter
exigences et vigilance. Il est indispensable de rechercher l'information là où
elle est dissimulée parce qu'elle dément parfois violemment les discours
éthiques de vitrine.
Danielle Mitterrand est présidente de la
Fondation France Libertés ;
William Bourdon est avocat au
barreau de Paris, président de l'association Sherpa.
Article paru dans
l'édition du 24.03.10.
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