Le Chemin des Cinq Sens dans "Mémoire d'Ardèche et Temps Présent" (dec 2010)

La revue "Mémoire d'Ardèche et Temps Présent" ¹ consacre son numéro de décembre 2010 aux jardins d'Ardèche. On y trouve l'article suivant :

 C’est un jar-din ex-tra-or-di-nai-reu…

 sur le Chemin des Cinq Sens

par Alain BRON, auteur ²

 "On y voit aussi des statues
Qui se tiennent tranquille tout le jour dit-on
Mais moi je sais que dès la nuit venue
Elles s’en vont danser sur le gazon. " ³

 

  En 2004, je me suis joint à Guy CHAMBON, plasticien, pour créer le Chemin des Cinq Sens. Ce chemin d’arts in situ forme une boucle entre la vallée du Talaron (à Saint-Christol) et la vallée du Fau (à Saint-Barthélémy-le-Meil).

Au tout début, aidés de nos familles et de nos amis, nous restaurons les chemins communaux abandonnés depuis plus de cinquante ans. Armés de pioches, de tronçonneuses et de serpes, nous dégageons la végétation très dense et remontons les murets. Deuxième étape : nous invitons des artistes à exposer tout au long des douze kilomètres. La règle est simple, il s’agit de créer des centaines de sculptures et de peintures qui seront présentes toute l’année comme autant de haltes artistiques au bord du chemin. Bien sûr, les œuvres doivent supporter le soleil, la pluie, la grêle, la foudre, le gel, le vent… Le projet est soutenu par la communauté de communes du Pays du Cheylard, le département de l’Ardèche et la région Rhône-Alpes.

 Un site du Chemin des Cinq Sens est particulier, c’est celui du Chazel situé sur la commune de Saint-Barthélémy-le-Meil. Là se trouve mon havre de paix, mon jardin. Une petite maison de pierre, un figuier, des vignes, un cimetière protestant quatre fois centenaire, l’endroit est simplement magnifique. On y accède par une petite rampe pour y découvrir des sculptures et des peintures sur un terrain plat d’une centaine de mètres bordé de merisiers, de noisetiers et de pins. Un camaïeu de verts tacheté par le granit gris-ocre enchante le visiteur. La façade de la maison est aussi un lieu d’exposition. On y découvre, tantôt, des grandes toiles, tantôt des photos. Tout dépend du thème. En 2010, le thème choisi est : « Ombres et lumière », prétexte de créations plastiques, littéraires et musicales, puisque le visiteur peut lire des nouvelles sur un banc à l’ombre des châtaigniers et écouter de la musique électroacoustique au creux d’une courbe du jardin.

Etonnement, dépaysement, apaisement. Emotions de tous les instants…

Les plus grands artistes ont créé pour le site du Chazel. Citons les plasticiens : Jean-Pierre Schneider, Jacques Blanpain, Olivier Giroud, Yves Buclet, Claudine Belmas-Grégoire, Imelde Correlli, Patrick Reygade, Susanne Petersen et bien sûr Guy Chambon ; les électroacousticiens : Christine Groult, Emmanuel Candeias ; les comédiens et metteurs en scène : Marie-Catherine Conti, Eve Ledig, Jeff Benignus ; les photographes : Michel Lenoir, André Weiss ; les poètes : Alain Chanéac, Chantal Rouquette, Sylvain Corthay ; les conteurs et amoureux de la montagne ardéchoise : Christian Giroux. Pas étonnant que, par an, 3000 personnes respectueuses de la nature et de l’art in situ visitent le jardin…

 Ginkgo biloba, érable du Japon, acanthe, souvenirs de mes voyages à travers le monde, voisinent avec les plantes déjà acclimatées aux 650 mètres d’altitude : les lavandes, les hellébores, les passe-roses, les hémérocalles, les lys, les pivoines, les iris, le muguet, le lilas, la clématite, le weigelia, les astilbes, …. Du mois d’avril au mois de novembre, les fleurs se relayent dans des mauves et roses délicats, des jaunes et pourpres éclatants et des satinés de blanc et d’orange. J’ai voulu que le jardin garde également sa flore originale et son caractère sauvage. Ainsi quelques genêts narguent les talus et, comme eux, les plantes de la région se laissent facilement découvrir :

 - Aiguilles de conifères : Pin sylvestre (Pinus sylvestris), If commun (Taxus Baccata), Cyprès (Chamae cyparis), Genévrier commun (Juniperus communis)

 - Feuilles d’angiospermes : Chêne pubescent (Quercus Alba), Chêne rouvre (Quercus sessilifolia), Orme diffus (Ulmus effusus), Alisier commun (Sorbus alba), Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia), Noisetier commun (Corylus avellana), Hêtre sylvestre (Fagus sylvatica), Châtaignier commun (Castanea sativa), Merisier (Prunus avium), Vigne (Vitis vinifera, dont Baco et Clinton), Frêne commun (Fraxisnus excelsior), Tilleul forestier (Tilia platiphyllos), Lierre commun (Hedera hellix), Genêt à balais (Genista scoparia), Genêt (Genista oromediterraneus), Ronce commune (Rubus nigra), Noyer commun (Juglans regia), Sureau noir (Sambucus nigra)

 - Végétation herbacée : Benoîte des rues (Geum urbanus), Cerfeuil des bois (Chaerophyllum anthriscus), Epilobe uniflore (Epilobiumuniflora), Laiteron maraîcher (Sonchus oleracens), Germandrée scorodoine (Teucrium scorodonia)

Les plantes d’ici et d’ailleurs cohabitent. Elles jouent avec la lumière exceptionnelle des Monts d’Ardèche et, pour peu qu’on sache les écouter, parlent de l’histoire extraordinaire de cette vallée. Peuplades celtes, rivalité entre Viviers et La Chaise-Dieu, Renaissance, guerre de religions, aventure de la soie, résistance… Les artistes le savent bien. Devant la magnificence de la nature et le souffle de l’histoire, leurs œuvres doivent se faire humbles et, dans le même temps, doivent nous inviter à réfléchir. C’est tout le défi de ce jardin ex-tra-ordi-nai-reu où, chaque année, poussent des plantes et des œuvre d’arts.

 

1 "Mémoire d'Ardèche et Temps Présent " : http://www.memoire-ardeche.com/

2  Alain BRON est auteur d’essais sociologiques, de romans (dont « Concert pour Asmodée » qui se déroule en Ardèche) et de nouvelles. Vous trouverez sa bibliographie et la description détaillée du Chemin des Cinq Sens sur son site : http://alainbron.ublog.com/

3 « Le jardin extraordinaire » de Charles Trenet

 

Photos :

 

Chemin des Cinq Sens - Le jardin du Chazel : au premier plan « Ombres et Lumieres » de Guy Chambon, au fond « Contre chant » de Jean Pierre Schneider.

 

 

 

« A l’ombre des lumières » de Jacques Blanpain 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Lenoir et le blanc », photo de Michel Lenoir

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Contre chant », sculpture Jean-Pierre Schneider

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