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Les conditions de travail à la moulinette de la performance
"L'autel de la sacro-sainte rentabilité"
Face à la terrible équation, la DRH a rapidement trouvé son paramètre : elle fait appel à une société de cost-killers, spécialisée dans le dégraissage et les licenciements collectifs. Résultat : c'est la chute. Rabot après rabot. "Tout ce qui pouvait donner du sens, aider la coopération, créer des réseaux, vivre ensemble, partager les difficultés et les plaisirs : tout ça a été sacrifié sur l'autel de la sacro-sainte rentabilité", décrit Alain Bron, dans son dernier roman, "Vingt-sixième étage". Ancien cadre dirigeant, ce consultant en management pointe avec efficacité "la trompeuse objectivité des chiffres" qui mène une entreprise internationale de l'apogée au déclin, en huit mois. Auteur d'essais en sociologie des entreprises, il montre ainsi la rapide dégradation des conditions de travail jusqu'à la crise, psychosociale, généralisée.L'extraordinaire puzzle de statuts
Il faut dire aussi qu'avant même que la situation ne se dégrade, la fictive MMS montrait des signes de faiblesse. Des plateaux organisés en mode "paysager", avec de multiples marguerites de quatre, six ou huit bureaux, séparés par des cloisons à la mi-hauteur : le vocabulaire a beau être champêtre, à chaque étage, une centaine de personnes travaillent "dans un écho incessant dû aux parois de verre qui réfléchissent les sons". Le bruit, le stress, les problèmes d'aération et d'odeurs, une proximité et une absence d'intimité qui paradoxalement mènent à l'isolement. Il y a aussi "l'extraordinaire puzzle de statuts" au même étage (CDI, CDD, contrat de sous-traitance, intérim, freelance...) qui entraînent de forts sentiments d'injustice.Un système qui broie
Quand la campagne annuelle des EIP (Entretiens individuels d'évaluation de la performance) est lancée, la tension est ainsi déjà grande à MMS. Et c'est donc sans surprise, que la révolte monte dès lors que la DRH incite ses troupes à noter les collaborateurs plus sévèrement que d'habitude. Car, faut-il le rappeler, 500 postes sont à supprimer. Les effets de la mécanique du chiffre sont sans appel : le conflit social, avec une montée de la violence pour le collectif. Pour l'individu, la note est d'autant plus salée qu'elle révèle les inégalités face à l'adversité : pour Aude, l'un des personnages, c'est "l'abandon d'elle-même dans un système qui la broie".Compétitivité
Quand seuls les chiffres comptent, la santé mentale, le plaisir dans le travail et la construction des solidarités sont écartés, jugés comme des freins à la compétitivité. Les strates hiérarchiques n'ont plus aucune connaissance du travail concret, décrit encore Alain Bron, et s'en tiennent à fixer des objectifs toujours plus péremptoires et à miser sur la concurrence entre les subordonnés pour se délester des responsabilités en matière d'allocation de moyens."Vingt-sixième étage" est un excellent moyen pour les préventeurs, de s'exercer, au pire.Alain Bron, Vingt-sixième étage, in Octavo Editions, 336 pages, 21 euros (finaliste du prix du roman d'entreprise et du travail en 2014)
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Bibliographie d'Alain BRON :
http://alainbron.ublog.com/alain_bron_auteur/bibliographie/index.html
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