Lu : « M, L’ENFANT DU SIÈCLE » de Antonio Scurati, éditions Les Arènes, 2020, 862 pages
Malgré plusieurs lectures, la montée du fascisme dans l'Italie des années 20 restait pour moi un mystère. Comment un peuple aussi éduqué et civilisé avait-il pu en arriver là ?
Le livre d’Antonio Scurati m’a ouvert les yeux. Par sa façon nouvelle de raconter l’Histoire, l'auteur a mis en scène des personnages. Leurs dialogues, leurs pensées, leurs actions éclairent le contexte politique du moment. Chaque chapitre chronologique expose les faits aussi bien dans la sphère privée de Mussolini que dans son entourage. Le texte est nourri d’extraits de lettres, d’articles de journaux, de télégrammes retrouvés, d’écoutes téléphoniques, sans jamais étouffer le plaisir de lire.
J’en ai retenu trois extraits. Ils mettent en garde tous ceux qui pensent que le fascisme ne pourra jamais plus revenir.
« « Où va le monde ? ». Et il s’est donné lui-même la réponse : le monde va vers la droite. La cuite démocratique s’est achevée dans le dégoût. Après la fête, on s’est réveillé avec la gueule de bois, la chemise souillée de sang, en train de vomir tripes et boyaux dans la cuvette des lavabos... » (page 476,1922)
« Aujourd’hui, la liberté n’est plus la vierge chaste et sévère pour laquelle les générations de la première moitié du siècle se sont battues et ont péri. D’autres mots exercent un charme beaucoup plus grand sur les jeunesses intrépides, inquiètes et dures qui se présentent au crépuscule matinal de la nouvelle Histoire : ordre, hiérarchie, discipline » (page 662, B.M mars 1923)
« C’est la dernière fois qu’il y aura des élections. Par la suite, je voterai moi-même pour tout le monde. » (page 746, B.M avril 1924)
J’ai été d’autant plus sensible à ce livre que mon grand-père est né dans un village romagnol non loin de celui de Mussolini. Il est arrivé en France avec toute sa famille en 1924, chassé par le fascisme. De cette époque, ma mère, née en 1912, m’a transmis quelques images fortes de souffrance et de dégoût. Son maître d’école, entre autres, la faisait mettre à genoux sur des grains de maïs, parce que son père, socialiste, ne voulait pas se rendre aux convocations du faisceau local. Il savait, mon grand-père, ce que cela signifiait : la bastonnade ou la purge à l’huile de ricin.
En refermant le livre « M », une question est restée en suspend : aurais-je eu le courage de ceux qui, à l’époque, se sont affrontés au fascisme et en ont perdu la vie ? Ou bien aurais-je fui ce cauchemar comme l’a fait mon grand-père ?
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Bibliographie d'Alain BRON :
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